Témoignage : Sylvain Charron
- Sylvain CHARRON
- 30 mars
- 4 min de lecture
Colossus (1970) et 2001 l'odyssée de l'espace (1968) m'ont profondément marqué.
Des ordinateurs parlants, ça me fascinait.
Les 2 films explorent les dangers de l'IA.
Trop précurseur, n'est-ce pas ?
Des cartes perforées au mini-ordinateur
En 1977, à l’École Polytechnique de Montréal, j'ai perforé des milliers de cartes dont celles de l'horrible JCL (Job Control Langage). J'avais ces cartes en horreur et j'ai détesté mes nuits blanches avec l'BM 360, des millions de fois plus lents qu'un microprocesseur I7 d'aujourd'hui.
En deuxième année, j'ai enfin eu accès aux terminaux-imprimantes TSO (Terminal-Server Output) et j'ai même pu programmer sur un terminal avec moniteur CRT. Quel bonheur !

Parmi mes meilleurs souvenirs :
Un professeur de mathématique m'a offert de simuler un écoulement transsonique au-dessus d'une aile d'avion, mélange d'écoulements subsoniques et supersoniques, en résolvant les équations de Navier-Stokes. J'ai bourré mon devoir de graphiques tracé à la main. Il l'a gardé et l'a présenté en conférence. Résultat, une poignée de main, mais zéro pognon.
À l'été 1980, j'étais stagiaire chez Hydro-Québec. Entre autres, j'ai programmé sur leur ordinateur central IBM un logiciel en Fortran se servant de l'algèbre des vecteurs propres qui a su détecter le mauvais calibrage d'une station météo parmi des centaines d'autres stations au Québec. Ce fut mes premières paies $$$ en tant que chercheur-trouveur.
Vous l'aurez compris j'étais un Geek
En 1981, j'ai été recruté par un professeur pour développer un logiciel de CAO de barrage sur un mini-ordinateur VAX 11/780 de Digital connecté à un terminal Tektronics à tube cathodique de 4096 x 3072 px. J'y ai consacré 20000 lignes de code Fortran. Très beau souvenir. L'équipe du laboratoire était formidable, dont 3 Alain. Je les salue !

En 2 ans, j'ai aussi programmé toutes sortes d'utilitaires dont des logiciels très efficaces de traçage de VLSI et de champs vectoriels et scalaires. Que de beaux souvenirs et d'étudiants heureux en génie électrique. J'étais passionné par les algorithmes et je m'amusais à programmer des objets 3D. J'ai d'ailleurs sauvé la mise à Daniel Langlois, père de Softimage, mais c'est trop long à raconter !
Les backups et archives sur bandes magnétiques demandaient beaucoup de minutie. Heureusement, un technicien s'en occupait. Chaque bande de 80MO avait ± 700m. Une fois enroulée, le diamètre voisinait 25cm. Ça prenait plus de 15 minutes pour lire une bande, bien sûr en accès strictement séquentiel. Imaginez ! Des racks de milliers de bandes équivalents à la capacité d'une clef USB moderne.

Enfin les PCs et les laptops
En 1984, un de mes anciens professeurs m'a offert un emploi d'ingénieur chez SNC (j'avais eu 99% à son cours, ça aide me direz-vous 😊). Je devais tirer profit des micro-ordinateurs IBM XT que la division Énergie et Grands Travaux avait acquis.
Pendant 6 ans, j'ai littéralement brûlé des IBM XT, AT (Advanced Technology 😝), 386 et 486. J'ai rédigé des centaines de programmes. Je simulais et optimisais des écoulements en conduite ou en rivière. Je simulais aussi la production énergétique de complexes hydroélectriques: Nombreux contrats aux Indes, Thailande, USA, Canada et même deux en Chine. Au Québec: le projet CASTOR en CAO hydroélectrique, la simulation d'écoulements sous le barrage Daniel Johnson (Manic 5) et des simulations d'érosion des berges et du lit du fleuve St-Laurent.
Le truc chez SNC était d'obtenir des budgets internes pour réaliser sa R&D et remplir sa feuille de temps. Je remercie le VP de la division, monsieur Gagnon, de sa générosité. C'était un accord gagnant-gagnant.
Tout se faisait par lot, j'exécutais souvent mes programmes sur 4 ordinateurs à la fois tellement le temps de calcul était lent. Mes programmes roulaient 24/7. J'étais l'expert du multitâche, mais sans rien d'interactif. Un vrai casse-tête. Mes PCs étaient devenus mes enfants: INTERDICTION D'Y TOUCHER.

Plusieurs arbres des années 1980 n'existent plus à cause de moi. Pour voir des courbes, il fallait une traceuse, pour voir des tableaux, il fallait vite les imprimer, pour stocker mes programmes et mes résultats de calcul, il fallait des milliers de disquettes (quelques classeurs métalliques à 4 tiroirs pour un total de … 2 à 3 Goctets 😉). Eh non, je n'avais pas de clefs USB. Elles n'existaient tout simplement pas.

J'ai même eu l'occasion d'utiliser un Macintosh. Oui, oui, celui-ci du message publicitaire de 1984 de Ridley Scott (Blade Runner, Alien, Gladiateur...). J'y ai dessiné des schémas de gestion des réservoirs d'un système hydrique complexe.
C'est un très beau souvenir et mon 1er contact avec une souris à un seul bouton, son seul défaut de conception selon moi.
Autre anecdote, en 1987 j'ai dépanné SNC pour récupérer des fichiers via un modem analogique à 2400 bps (moins d'un MO à l'heure). Je n'en connaissais pas la teneur. Je devine qu'ils étaient importants, car le président de SNC, monsieur Goudreau, est venu me remercier. Mais ni chèque ni bonus n'ont suivi 😉
Je donnais à la secrétaire des listes de dizaines d'entreprises à solliciter pour connaître leurs produits et obtenir des disquettes démos. Le WWW n'existait pas, ni la vidéo digitale. Difficile à imaginer aujourd'hui !
Mon premier laptop, en 1989, fut un Compag XLT 286 de 7 kilos, souffrant pour mon épaule et le portefeuille de l'ACDI (l'association canadienne de développement inter-national), qui l'a payé plus de 8000$CAN. Une fortune. Voici des photos de moi dans l'état du Kerala (aux Indes) pour ce projet. Le barrage est celui d'Idukki, de 169m (la pyramide de Khéops fait 146m), à double voûte parabolique pour mieux répartir la pression de l'eau sur les parois. Il était géré à l'aide de mes logiciels 😊.

L'arrivée du web
Je me suis peu servi de l'internet avant l'an 2000, année où le web a frappé à ma porte. J’ai ouvert innocemment et il a tout bouleversé. J'avais laissé rentrer la techno que je recherchais. Elle m'a tellement séduite que j'ai quitté mon emploi. C'était Le p'tit bonheur de Félix Leclerc et ça me berce toujours aujourd'hui.
Sylvain Charron
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